DES CHAUVES-SOURIS, DES SINGES ET DES HOMMES OU COMMENT ECRIRE UN ROMAN SUR LE VIRUS EBOLA

Olympe, au pied de la Montagne des nuages
Nous sommes dans un village africain d’une dizaine de cases, au bord de la rivière Ebola, au pied de la Montagne des nuages. Le récit débute par les jeux d’une enfant, Olympe, la petite fille de 7 ans qui voudrait bien aller chasser dans la forêt avec les garçons. Ils ne veulent pas d’elle, bien sûr. Dépitée, elle se rend sous le manguier et découvre, là, une petite boule douce et velue, une chauve-souris qu’elle ramènera au village.


 
Le cadre est posé. Olympe sera une figure féminine majeure de ce roman aux accents de fable. Hélas, « Cette Olympe à la chauve-souris qui avance en dansant, insouciante et légère, guillerette et fantasque » deviendra, au cours de l’histoire, la maudite parce que fille, le bouc-émissaire idéal. Mais n’en disons pas plus.

Ils bâfrèrent, bâfrèrent encore

Les garçons du village, eux, sont à la chasse. Au bout d’une longue absence qui met le village en émoi, ils ramènent fièrement le cadavre d’un grand singe. Il sera cuisiné, dévoré par toute la communauté, au-delà de la satiété : « ils bâfrèrent, bâfrèrent encore ». Mais, on aura omis de le déshumaniser avant de le manger, cette cérémonie de désenvoutement où l’on dit au singe : «tu as des mains, mais ce ne sont pas des mains ; tu as des yeux mais ils ne se ferment pas quand tu me regardes ; tu as une bouche mais elle ne prononce aucune parole ; tu as un sexe mais tu ne prends pas ta femme par devant »
Manger du singe, ce n’est pas la même chose que manger un autre animal.

Contamination

La chaîne de contamination de l’épidémie qui  bientôt menacera le continent se met alors en place. Bien des années plus tard, le virus sera identifié. On dénombrera plus de 11200 morts par le virus Ebola entre 2014 et 2016.

Ebola : la Sierra Leone met fin au test obligatoire sur tous les morts - 24 juillet 2016 - Sciencesetavenir.fr

Tragédie

 
Paule Constant nous livre une juxtaposition de récits et de portraits. En tout premier lieu, il y a le portrait d’Olympe et de la communauté villageoise.  Puis, elle nous fait partager le douloureux parcours de tous les personnages concernés par le déroulé des évènements :


•    Agrippine, médecin sans frontières, entre deux âges, dégagée de tout, sans maison, sans enfant, venue là pour une campagne de vaccinations, et qui rencontrera celle qu’elle attendait.
•    La communauté des sœurs du dispensaire, ordre soignant installé sur le fleuve dans les années 30. « Depuis quatre-vingt ans, elles soignaient les maladies du fleuve, celles d’enfants, de femmes et d’hommes, qui vivaient encore moins vieux qu’elles ». Quand elles mouraient, on creusait leur tombe près du dispensaire, de l’école et de l’orphelinat, qui constituaient la mission. Jamais elles ne revoyaient leur pays natal.
•    Virgile, l’ethno-sociologue à l’enfance sans père, écrasée par la forte personnalité de l’ancien médecin-général des troupes coloniales, son grand-père maternel.
•    Thomas, l’interprète multilingue, qui changeait de langue à chaque village. Il avait le don des langues et comprenait même celle qu’on ne parle pas.
•    L’équipe des primatologues, à l’affût des fabuleux gorilles Sylverbacks.
•    Docteur Désir, homme d’affaires et marchand ambulant, le marchand de rêve.
•    Presque-Chrétien, capitaine de pirogue,  piroguiers, et coupeurs d’hévéas…


Le roman restitue les rapports complexes entre les hommes et la nature, l’Occident et l’Afrique, le dénuement des soignants locaux face à  la médecine coloniale puis humanitaire; car il faut bien que ces confrontations aient lieu. Il raconte les croyances et les superstitions, la peur, la souffrance et la mort.


Le style est léger et précis. La distanciation et l’humour ne font pas défaut.

Tragique – le choix des prénoms des personnages n’est pas un hasard- l’aventure est passionnante et le défi de l’écriture brillamment relevé par Paule Constant.

Une lecture enrichissante aux qualités littéraires à savourer.


Christine R.

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La fille du Gobernator


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